Comprendre le paradoxe de l’hypersensibilité sociale

Comprendre le paradoxe de l’hypersensibilité sociale

Pourquoi les hypersensibles paraissent sociables (et pourquoi c’est si épuisant)

Depuis toujours, on me dit que je suis "solaire", que je parais "à l’aise" en société.
On admire ma capacité à sourire, à faire rire, à créer du lien, même avec des inconnus.
Et pourtant, si l’on écoutait vraiment ce qui se passe en moi, on entendrait tout autre chose.

Je suis ce que les gens nomment : "asociale".

Mon monde intérieur est dense, foisonnant, mais profondément solitaire.
Je n’ai pas besoin d’être entourée pour exister.
Ce qui me nourrit ne vient pas du bruit des échanges, mais du silence des profondeurs. Je suis fatiguée par les jeux sociaux, agacée par le bruit des échanges vides. Les interactions sociales m'épuisent. Les liens superficiels me vident. Je vis beaucoup, mais en dedans. Et c’est souvent invisible.
Chaque contact me demande une énergie immense.
Le monde extérieur me semble souvent étrange, trop rapide, trop flou, trop exigeant, trop plein de codes que je ne maîtrise pas vraiment et qui me demandent une adaptation que je trouve inutile.

Ce contraste entre ce que je montre et ce que je ressens me fait parfois douter de moi.
Suis-je authentique ?
Suis-je fausse ?
Pourquoi les autres voient-ils en moi une lumière que, souvent, je ne ressens pas ?

Ce contraste me laisse parfois vide de certitudes.

Pourtant, il existe un indice, petit mais indiscutable :
malgré les années, malgré les rôles que je porte — maman, femme, professionnelle —, il suffit encore d’un souffle d’émotion pour me faire rougir.
Ce qui semble "un rien" pour les autres est souvent "un trop" pour moi.

Et dans cette faille, dans cette transparence d’âme, je reconnais que je suis vraie.

La naissance du masque : un instinct de survie

Chez certaines personnes, la sociabilité n'est pas innée.
Elle est apprise.
Elle est, parfois, tissée avec la patience d'une petite fille ou d'un petit garçon qui comprend très tôt que son sourire peut désamorcer la peur, la colère.

Quand l'environnement de l’enfance est instable, violent, imprévisible, l'enfant apprend à "faire bien", à "faire joli", à "faire chaud", même quand il a froid à l'intérieur.
Il apprend à lire dans les regards, à ressentir les tensions avant qu'elles n'explosent.
Il devient un funambule de l'émotion, un équilibriste qui distribue des éclats de lumière pour conjurer les ombres.

Ainsi se forge le masque solaire.

Je ne suis pas née solaire : j'ai appris à briller dans la nuit.
Je ne suis pas fausse : je suis vivante.
Et aujourd'hui, je peux choisir d'être toute entière, sans permission.

Mais il serait réducteur de croire que cette lumière n'est qu'un masque. Car au-delà de la protection, il y a aussi la nature même de ceux qui ressentent trop fort : rire trop, pleurer trop, vibrer pour un détail que d'autres ne voient même pas.

Cette hypersensibilité est un feu intérieur que l'on ne peut éteindre, même quand on voudrait parfois disparaître.

Ainsi, il serait injuste de réduire mon sourire à une simple protection. Car j'aime aussi rire, vraiment. Je suis d’une nature souriante, profondément, instinctivement.
Quand je me sens bien, quand je me sens en confiance, mon rire jaillit sans retenue, naturel, entier.
Pas pour plaire, pas pour désamorcer la peur — simplement parce que c’est aussi ce que je suis.

La lumière que certains perçoivent en moi n’est donc pas une illusion.
Elle est née à la fois d’un instinct de survie et d’un élan vital profond.
Et c’est dans les espaces sûrs, auprès des âmes avec lesquelles je me sens alignée, que cette lumière peut vraiment exister librement, sans fatigue ni masque.

C’est pourquoi je ne suis perçue comme solaire que par ceux avec qui je me sens vraiment bien, en sécurité.
Là où je sens la bienveillance, là où je peux laisser tomber le masque, ma lumière naturelle se déploie sans effort. Elle s’épanouie également auprès des cœurs tristes, des timides, des sensibles, car je pense que cette lumière,  cette chaleur peut leur faire du bien.
Mais dans les environnements hostiles, froids ou jugés dangereux, je deviens discrète, effacée, presque transparente.
Parce que mon être entier se met en veille, en retrait, en protection.

Ce que cela coûte intérieurement

Porter cette lumière, même lorsqu'elle vient à la fois du masque et de l'hypersensibilité, n'est pas sans prix.

Être perçue comme solaire demande une dépense invisible : chaque sourire, chaque éclat de rire, chaque effort pour "être présente", pour "être normale", est une goutte tirée d’un réservoir qui, parfois, est déjà à sec.

Après les interactions sociales, même légères, même agréables, je ressens souvent une fatigue sourde. Un besoin viscéral de silence, de repli, de vide.

Ce n'est pas de la misanthropie.
Ce n'est pas du rejet de l'autre.
C'est la nécessité absolue de retrouver un espace où je peux exister sans effort, sans surveillance, sans modulation.

À force de tout capter — les regards, les humeurs, les tensions invisibles, les énergies —, mon système intérieur sature.
Le bruit me blesse. Les échanges banals m’épuisent. 

Même l'amitié, parfois, me semble trop lourde à porter. Je ne suis pas ce que l’on pourrait appeler une "bonne amie". Il m’est difficile de me montrer présente lorsque je suis en mode "repli dans mon cocon".

Souvent, dans ces moments-là, je me sens coupable.
Coupable de ne pas pouvoir être constamment disponible.
Coupable de ne pas toujours être à la hauteur de cette image de "personne lumineuse" que les autres semblent attendre de moi.

J’ai honte de l’avouer mais j’ai du mal à aller vers l’autre, ce n’est pas quelque chose de naturel pour moi. Même si je pense souvent aux gens que j’apprécie,  je suis rarement celle qui prendra des nouvelles ou maintiendra le lien social. Certaines et certains le savent et m’aiment tout de même. Ils ne m'en tiennent pas rigueur et pour celles et ceux qui me liront et se reconnaîtront, sachez que je vous suis infiniment reconnaissante pour cela, pour votre amitié inconditionnelle, même lorsque je reparais après quelques mois de silence. Je ne vous oublie pas, je suis simplement perdue dans les méandres de mon cerveau, dispersée entre mille projets et trois ou quatre livres (que je lis en même temps, of course!)

Mais qu’on ne s’y trompe pas : je suis d’une loyauté à toute épreuve. Quand quelqu’un que j’aime est en danger ou en détresse, je suis celle qui va au front. Je défends toujours celui ou celle qui a besoin d’être soutenu.e.

Le repli n’est pas de l’indifférence.
La solitude n’est pas de l’égoïsme.
Le silence n’efface pas la loyauté.

Et pourtant, même en sachant tout cela, même en me donnant le droit d’être ainsi… En connaissant mon mode d’emploi, il y a des jours où le monde me pèse encore trop. Des jours où je rêve, simplement, de m’effacer un peu…

Je rêve de disparaître sans heurt, de me dissoudre dans l’air, juste pour retrouver un peu d’air pour moi.
Comme si, au fond, je cherchais simplement à descendre du manège de la société parce que j’ai mal au cœur, à m’asseoir quelque part en silence, à écouter enfin ce qui bruisse en moi loin de l’agitation du monde.

Retrouver une authenticité douce : choisir ses espaces, se donner la permission d'être

Face à cette fatigue invisible, il a fallu, petit à petit, apprendre.
Apprendre que je ne suis pas obligée d’être solaire tout le temps.
Que je ne suis pas obligée d’être "à la hauteur" des projections des autres.

Ce rêve de descendre du manège n’est pas une fuite.
C’est une fidélité intérieure.
C’est reconnaître que mon rythme n’est pas celui des foules.
Que mon besoin de solitude, de lenteur, de silences habités est aussi légitime que le besoin de bruit et de mouvement des autres.

Mais apprendre à être moi n'est pas un chemin linéaire.

Parfois, j'y arrive.
Parfois, je réussis à rester fidèle à ce que je ressens vraiment.
À refuser de sourire par habitude, à poser mes limites sans peur, à choisir des espaces où je respire librement.

Et parfois, je n'y arrive pas.
Parfois, la peur d’être jugée, rejetée, "pas assez bien" reprend le dessus.
Alors je souris trop. Je parle trop. Je donne plus que je ne peux, encore une fois.

Et tu sais quoi ? Ce n’est pas grave.
Ce n’est pas un échec, ce n’est pas une trahison envers moi-même.
C’est juste le rythme naturel de la guérison : avancer, reculer, se perdre un peu, se retrouver encore.

Retrouver une authenticité douce, ce n’est pas être parfait.e.
C’est se donner le droit d'être en chemin.
C’est comprendre que je peux être plusieurs à la fois :

  • Solaire parfois,
  • Sauvage souvent,
  • Invisible quand il le faut,
  • Authentique, toujours.

Et que chacune de ces facettes mérite tendresse et respect.

Pour finir...

Il n’y a pas de contradiction à être perçue comme sociable et à se sentir sauvage.
Il n’y a pas d’incohérence à briller parfois et à s’effacer souvent.
Il y a simplement une vérité multiple, complexe, humaine.

Je sais que je n'y arriverai pas toujours.
Je sais que parfois, la peur me fera rejouer l'ancien rôle, celui du sourire trop large, de la lumière trop vive, même quand tout est éteint au fond de moi.
Et je sais aussi que, d'autres fois, j'aurai le courage d'être simplement moi, dans mon silence, dans ma lumière tranquille.

Et tout cela est juste.
Tout cela est suffisant.
Tout cela est moi.

À ceux qui ne voient que mon sourire, je n’en veux pas.
À ceux qui devinent le silence derrière la lumière, je souris plus encore.

Et à moi-même, enfin, je murmure :

Tu as le droit d'exister à ton propre rythme.
Tu as le droit de descendre du manège,
de redevenir l’air,
la brise,
la vie discrète et vraie.

Quelques murmures pour se réconcilier avec soi-même

Pour celles et ceux qui se reconnaîtront peut-être à travers ces lignes :

  • J'ai le droit d'être sauvage et solaire à la fois.
  • Mon rythme intérieur est sacré.
  • Je n'ai pas besoin d'être comprise par tous pour exister pleinement.
  • Il est beau de rougir encore du simple souffle d'une émotion.
  • Je suis en chemin, et cela suffit.

Voici, je vous souhaite de trouver la sérénité et d’aimer ce que vous êtes, même si vous ne rentrez pas dans les cases 😌.

Par Vicky, funambule entre l’ombre et la lumière.

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