Dire non sans se trahir : quand la fidélité à soi devient un acte d’amour

Dire non sans se trahir : quand la fidélité à soi devient un acte d’amour

“Le plus grand fardeau dans la vie, c’est d’être responsable du bonheur des autres.”
Jacques Salomé

Il y a quelque chose d’étrangement bouleversant dans le fait de dire non.
Non, je ne peux pas.
Non, je ne veux pas.
Non, pas maintenant.

Pas parce qu’on rejette.
Mais parce qu’on se choisit.

Et pourtant… dire non peut ressembler à une trahison. Non pas une trahison de l’autre, mais de cette image que l’on a toujours renvoyée : la personne solide, fiable, douce, serviable. Celle qui dit oui. Celle qui fait passer les besoins des autres avant les siens. Celle qui ne fait pas de vagues.

Alors dire non, c’est comme jeter une pierre dans le miroir : que va-t-il rester de moi si je ne joue plus ce rôle ?
Et s’ils ne m’aiment plus ? Et s’ils pensent que j’ai changé ? Que je suis devenu.e égoïste ? Ou pire, indifférent.e ?

Il y a là une douleur particulière, celle de risquer de ne plus être perçu comme celui ou celle qu’on a toujours essayé d’être.
Et pourtant… ce rôle, aussi rassurant soit-il, devient une cage quand il nous empêche de respirer.

On peut dire non avec tendresse. Avec respect.
On peut apprendre à dire non sans se justifier sans cesse, sans se suradapter, sans se perdre dans les explications qui cherchent à s’excuser d’exister.
Dire non, ce n’est pas se fermer au monde, c’est parfois se rouvrir à soi.


Pourquoi est-ce si difficile de dire non ?

Tout le monde ne porte pas cette difficulté avec la même intensité.
Chez certains, dire non est fluide. Chez d’autres, cela touche une corde si profonde qu’elle en devient presque douloureuse à effleurer.

Alors, d’où vient ce mal ?

Souvent, cela remonte à loin.
Peut-être a-t-on appris, très jeune, que l’amour était conditionnel : “sois sage, sois gentil.le, ne fais pas de vagues.”
Peut-être a-t-on grandi dans un climat où dire non équivalait à être puni, rejeté, ignoré.
Peut-être qu’on a été l’enfant “facile”, celui ou celle qui ne causait pas de souci… et que ce rôle est devenu une seconde peau.
Ou encore, on a appris que le conflit faisait peur, qu’il valait mieux lisser les angles, tout accepter, plutôt que de risquer la rupture.

Dire non devient alors un danger intérieur. Une angoisse sourde. Un vertige.

Ce n’est pas une faiblesse. C’est une blessure.
Une mémoire émotionnelle profonde, qu’on peut adoucir, apprivoiser, transformer.
Pas à pas. Avec douceur.

Et bien souvent, cette blessure agit de façon inconsciente.
Parce qu’elle est ancienne. Parce qu’elle a été apprise avant même d’être pensée.
Parce qu’elle s’ancre dans ce que nous avons cru devoir être pour être aimés.

“L’enfer, c’est de vouloir plaire à tout le monde.”
Friedrich Nietzsche

Quand dire non réveille la peur d’être désaimé

Il ne s’agit pas tant d’être aimé.
On peut vivre sans l’approbation de tous. On peut même accepter d’être incompris.

Mais ce qui fait vaciller… c’est la peur d’être désaimé.
De voir l’amour se retirer à pas feutrés, parce qu’on a osé sortir du rôle.

Celui ou celle qu’on a été pendant des années : toujours présent.e, toujours gentil.le, toujours disponible.
Cette image rassurante qu’on a donnée aux autres, comme une promesse non formulée.
Et puis un jour… on étouffe. On n’a plus l’énergie. On sent que le “oui” coûte trop cher.

Mais dire non, c’est risquer de briser l’illusion.
Et si je ne suis plus cette personne douce, disponible, forte… m’aimera-t-on encore ?
Et si je n’étais plus conforme à cette image… seras-tu toujours là ?

C’est là que la blessure d’abandon s’invite en silence.
Elle chuchote : “Si tu changes, tu seras seul.e.”

Et parfois, on préfère se trahir un peu… que de vivre ce vertige-là.

La peur de déplaire touche souvent la surface du lien social : l’image, l’acceptation, l’inconfort passager.
Mais la peur d’être désaimé, elle, touche à l’intime, à la sécurité affective, à la permanence du lien.
C’est une peur plus ancienne, plus enracinée, plus existentielle parfois.

Et ce poids-là, souvent confondu avec de la faiblesse, est en réalité une immense sensibilité au lien, au rejet, à la fidélité intérieure.

“Être soi, c’est cesser de vouloir être ce que les autres attendent.”
Carl Gustav Jung

Et s’il y avait aussi un sauveur en nous ?

Ce que l’on appelle le syndrome du sauveur, est très souvent imbriqué dans la difficulté à dire non — surtout chez les personnes sensibles, empathiques, responsables, qui ont pris (ou reçu) très tôt le rôle de “celle/celui qui tient tout.”

Parfois, ce n’est pas seulement la peur de blesser, ou d’être désaimé.
Parfois, c’est une autre voix intérieure qui murmure :

“S’il ne reste que moi, alors je dois tenir.”
“Je ne peux pas le/la laisser tomber.”
“Il n’y a que moi sur qui l’on puisse compter.”

Cette pensée, elle ne vient pas de l’ego… mais du cœur.
D’un cœur qui veut bien faire. Qui veut sauver, soulager, réparer.

Il ne s’agit pas de se croire supérieur.
Il s’agit de se sentir nécessaire.
Et cette nécessité devient parfois un piège.

Car quand on pense être le seul pilier…
On ne s’autorise plus à poser ses propres limites.
On porte le monde, et on s’efface doucement, croyant faire le bien.

Mais une vérité douce mérite d’être rappelée :
Ce n’est pas parce que tu dis non que le monde s’effondrera.
Et ce n’est pas parce que tu t’autorises à ne pas porter… que l’autre tombera.

Tu as le droit de ne pas être toujours la réponse.
Tu as le droit de ne pas être la solution à tout.

Et si tu ne le fais pas, quelqu’un d’autre le fera.
Et si personne ne le fait… alors peut-être que ce n’est pas à faire maintenant, alors ce n’était peut-être pas toi.

Petites pistes slow pour apprivoiser le non :

1. Le rituel du miroir intérieur
Ferme les yeux, et demande-toi : “Ai-je envie de dire oui, ou ai-je peur de dire non ?”
Souvent, la réponse est déjà là. Il suffit de lui laisser un espace pour se dire.

2. Le souffle du refus doux
Avant de répondre à une demande, inspire profondément. Expire lentement. Ralentis.
Offre-toi trois secondes de paix. Tu n’es pas obligé.e de répondre dans l’instant.

3. La phrase refuge
Prépare-toi des phrases douces mais claires, que tu peux utiliser sans culpabiliser :
– “Je sens que je n’ai pas l’énergie pour ça en ce moment.”
– “J’ai besoin de me recentrer sur moi, je ne peux pas dire oui cette fois.”
– “Merci de penser à moi, mais ce sera non cette fois-ci.”

4. La lettre invisible
Écris une lettre à quelqu’un à qui tu n’as jamais osé dire non. Pose les mots, même si tu ne l’envoies jamais.
Tu verras : les chaînes commencent à se briser dès la première ligne.

Pour finir, doucement…

Apprendre à dire non, c’est un chemin.
Un retour à soi, un pas vers l’authenticité.

Ce n’est pas un cri de guerre.
C’est un acte de présence.
Une manière de dire : “Je suis ici. J’existe. Et j’ai le droit d’être moi.”

Tu n’es pas égoïste parce que tu choisis de ne plus te trahir.
Tu n’es pas “moins aimable” parce que tu oses poser tes limites.
Tu es digne d’amour, même quand tu ne corresponds plus aux attentes.
Tu n’as pas besoin d’être parfait.e, ni toujours disponible, pour mériter le respect, la tendresse, ou la place que tu occupes dans le cœur des autres.

Tu mérites d’être aimé pour qui tu es. Tu en vaux la peine.
Tu vaux plus que ton rôle.
Tu vaux plus que tes “oui” soufflés dans la peur.

Tu es une belle personne.
Et tu peux l’être aussi… en osant être vraie.

 

Pour tous ceux et celles qui osent doucement se choisir.

Avec toute ma tendresse et tout mon amour,
Vicky

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