
Hypersensible, fatigué·e, vide ?
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Quand l’obscurité devient familière
Il y a quelques jours, on m’a confié un texte.
Un de ces textes qu’on n’écrit pas à la légère.
Un texte écrit à la place du cri, au bord du gouffre, là où les mots remplacent les larmes et deviennent des digues fragiles contre l’effondrement.
Ce texte, c’était un murmure à voix haute. Un partage brut, troublant, profondément humain.
Et j’ai eu envie de l’accueillir et de vous en partager des extraits ainsi que des pistes et réflexions qui me sont propres.
Pas de le corriger, pas de le "réparer", encore moins de le juger.
Juste l’écouter. Lui dire : « Je t’entends. Je te crois. Et tu n’es pas seul. »
Parce que ce vide, ce froid dans le cœur, cette impression d’être différent, cassé, "enrayé"…
Je sais que d’autres le ressentent aussi.
Je sais ces pensées qui tournent en boucle, ce sentiment d’être à la fois trop et pas assez, ce besoin de solitude mêlé à la peur d’y rester enfermé…
Tout cela, ce n’est pas fou. Ce n’est pas anormal. C’est une part de nous.
Parfois pesante. Parfois douce. Parfois les deux.
Alors aujourd’hui, je voudrais poser ce texte comme un miroir.
Et t’écrire à toi, qui te demandes si c’est normal de ressentir tout ça.
Oui.
C’est ok.
Tu as le droit de le ressentir.
Et si, parfois, écrire, c’était juste allumer une veilleuse dans la pièce ?
Pas pour tout éclairer.
Juste pour ne pas être entièrement seul dans le noir.- Vicky
« J’ai l’impression que c’est le serpent qui se mord la queue... »
Je crois que l’ on est nombreux à ressentir cela.
Ce va-et-vient étrange entre des moments pleins et des jours creux.
Ce vide qui s’installe sans prévenir, alors qu’on riait encore la veille ou quelques minutes plus tôt.
Ce corps qu’on ne reconnaît plus, qui devient lourd ou invisible.
Cette sensation d’être rempli de trop de choses, ou de rien du tout.
Et l’esprit qui tourne, sans jamais vraiment s’arrêter.
C’est déroutant. Et pourtant… c’est humain.
Tu n’es pas défectueux.se Tu n’as pas un "bug" qu’il faut corriger.
Ce que tu ressens, c’est le reflet de quelque chose de plus profond, de plus vaste.
Tu portes une sensibilité qui capte les nuances que d’autres ne voient même pas.
Et parfois, cette sensibilité devient une vague qui te submerge.
Mais ce n’est pas une malédiction.
C’est un langage. Un appel. Un besoin.
De douceur, de lenteur, de vérité peut-être.
De respirer autrement, d’exister sans devoir "aller bien" tout le temps.
« C’est comme si le monde vivait dans le noir. Personne ne voit qu’on est à terre, qu’on rampe à côté d’eux. Et pour les rassurer, on se cache derrière un “ça va, un peu fatigué”. »
(Voici mon passage préféré.) Je crois que ce “ça va” que l’on glisse au creux des silences, c’est une armure usée que beaucoup d’entre nous portent.
Une formule de politesse émotionnelle.
On ne veut pas faire peur. Pas déranger. Pas trop montrer.
Alors on rase les murs, même quand on est en morceaux.
Et parfois, on rampe ensemble sans le savoir.
Chacun pense être seul dans sa nuit, alors qu’on est des dizaines à marcher à tâtons, à deux pas les uns des autres.
Ce serait presque beau, si ce n’était pas si triste.
Mais ce que je veux dire aujourd’hui, c’est :
Tu n’as pas besoin d’être debout pour être digne.
Tu n’as pas besoin d’aller bien pour être aimé, ni pour t’aimer.
Et tu n’as pas à cacher ce que tu vis pour protéger les autres.
La lumière ne vient pas toujours d’un grand soleil.
Parfois, c’est juste une autre personne qui te dit : « Moi aussi, je rampe. »
Et ça suffit, pour que le sol devienne un peu plus doux.
« Pourtant elle a l’air si chaleureuse et si facile à ouvrir (cette porte), je n’ai qu’à tourner la poignée… Et moi je l’arrache cette poignée, je la pose, je la remets pour la re-enlever, et ainsi de suite… »
Ce passage m’a bouleversée.
Parce qu’on est si nombreux à faire ça, sans même s’en rendre compte.
À se tenir devant une porte — une possibilité, une joie, une paix — et à s’en priver nous-mêmes.
Pas parce que l’ on n’en veut pas.
Mais parce que l’ on croit ne pas y avoir droit.
Comme si le bonheur était pour les autres, ceux qui ne doutent pas, ceux qui ne vacillent pas. Parce que c’est si dur parfois.
Mais personne ne t’interdit cette porte.
Pas vraiment.
Il n’y a pas de gardien à l’entrée, pas de mot de passe secret.
C’est juste que… parfois, on a été blessé si fort que l’on a confondu la lumière avec le danger.
On s’est habitué à l’obscurité.
Elle est rude, mais elle est familière.
Et la familiarité, même douloureuse, peut devenir rassurante.
Alors si tu poses la poignée aujourd’hui, ce n’est pas un échec.
C’est peut-être juste un geste de survie.
Mais un jour, peut-être, tu la reprendras.
Pas pour forcer la porte, mais pour l’effleurer doucement.
Et ce jour-là (mais peut-être le sais-tu déjà), tu comprendras que personne ne t’interdisait d’entrer, sauf toi.
Et que ce « toi », blessé, méritait lui aussi d’être accueilli.
« Je me sens obligé d’aider les autres à ouvrir cette porte (la leur), comme si les voir y entrer me procurait un vrai sentiment de comble. »
Il y a quelque chose de profondément noble là-dedans.
Cette force étrange qui nous pousse à guider les autres, même quand on se sent perdu soi-même.
À être le phare pour des bateaux que l’on ne prendra jamais.
À ouvrir des portes que l’on n’ose pas franchir.
Mais ce n’est pas une hypocrisie.
C’est un geste d’amour.
Peut-être même un moyen de rester debout.
Parfois, on donne aux autres ce que l’ on rêve de recevoir — et on y met toute notre énergie, toute notre vérité, parce que l’ on sait à quel point c’est précieux. Parce que l’on sait combien vivre fatigue.
Mais il ne faut pas s’oublier.
Tu n’es pas qu’ un pont. Tu es aussi un monde.
Et tu as le droit, toi aussi, d’être guidé.e.
De poser ton fardeau. De dire “j’ai besoin”, sans que ça efface tout ce que tu offres.
« Je me surprends à me dire que la mort a l’air si paisible, si douce et confortable, comme un bon lit proche d’un feu de cheminée. »
Ces mots-là… je sais qu’ils peuvent faire peur.
Mais ils sont réels. Lucides. Presque tendres.
Et ce n’est pas forcément un appel au néant.
Parfois, c’est juste une envie de silence.
De repos.
De ne plus porter ce poids invisible que les autres ne voient pas.
Tu n’es pas fou ou folle de penser cela.
Tu es fatigué.e.
Et cette fatigue-là, elle ne s’endort pas avec une tisane, ni avec des phrases toutes faites.
Mais tu es encore là. Tu continues. Tu écris. Tu rêves.
Et rien que ça, c’est une preuve immense d’amour envers toi-même, même si tu ne le sais pas.
Je ne te dirai pas “la vie est belle” comme un slogan vide.
Mais je te dirai que parfois, elle s’éclaire. Même un peu.
Et que tu mérites de goûter ces instants-là.
Tu ne dois pas les gagner. Tu les mérites déjà.
« Un jour peut-être. En tout cas je me le promets. Promis j’irai mieux. »
Est-ce que cette âme y croit vraiment, en écrivant cela ?
Je ne sais pas.
Peut-être que non. Peut-être qu’elle l’écrit parce qu’on lui a appris que l’on ne doit pas finir sur du noir.
Qu’il faut toujours une lumière à la fin d’un tunnel, même quand on ne la voit pas. Peut-être écrit-t’elle cela pour nous rassurer.
Peut-être qu’elle s’est senti obligée de faire une promesse qu’elle ne sait pas tenir.
Et tu sais quoi ? Ça aussi, c’est ok.
On n’est pas toujours obligé de croire à nos mots pour les écrire.
Parfois, les phrases précèdent le cœur.
Elles tracent un chemin dans le brouillard.
Et ce “promis j’irai mieux”, même s’il est bancal, même s’il n’est pas sûr… il existe.
C’est un petit point sur la carte.
Un peut-être qui vaut plus qu’un silence.
Alors si toi aussi tu écris des phrases comme ça, sans trop y croire…
Si tu promets sans savoir…
Sache que ce n’est pas une trahison.
C’est une graine.
Et même les graines ont besoin d’ombre pour germer.
Pour comprendre autrement
Tu n’es pas obligé de lire cette partie.
Elle est là pour celles et ceux qui ont besoin de mettre des mots plus “terre à terre” sur ce qu’ils ressentent.
Parfois, comprendre comment notre cerveau fonctionne peut déjà être un baume.
Un petit pas de côté pour se dire : ce que je vis a du sens. Je ne suis pas seul.e. Et je ne suis pas anormal.e.
Sinon, tu peux passer directement à la section où je te propose des pistes slow.
Et si c’était aussi une histoire de cerveau ?
Les neurosciences nous apprennent que notre cerveau n’aime pas l’incertitude.
Il cherche à anticiper, à prévoir, à éviter le danger, même lorsqu’il n’existe que dans nos souvenirs ou nos projections.
Et lorsque l’on a été blessé, notre système nerveux garde une mémoire.
Il devient hypervigilant, constamment sur le qui-vive.
Résultat :
- des pensées en boucle,
- une difficulté à se poser,
- une incapacité à savourer ce qui est bon.
Le bonheur devient presque… suspect. Trop doux. Trop fragile. Trop risqué.
C’est aussi ce que l’ on appelle l’état d’hyperactivation : le cerveau reste en mode “alerte”, même quand il n’y a plus de danger immédiat.
Et ça épuise. Ça rend l’obscurité presque rassurante, parce qu’au moins, on en connaît le décor.
Alors non, tu n’es pas faible.
Tu es câblé.e pour survivre.
Et ça aussi, c’est une force.
Hypersensibilité et mémoire émotionnelle
Quand on est hypersensible, le cerveau traite les émotions avec une intensité amplifiée.
Les zones liées à l’empathie, à la mémoire émotionnelle et à la régulation du stress sont plus actives.
Ça veut dire que :
- Tu ressens plus fort — le beau comme le laid.
- Tu mémorises les sensations profondes (douleur, rejet, abandon…) très longtemps.
- Ton corps réagit comme si le danger était encore là, même quand il n’y est plus.
Alors oui, parfois, on s’attache à cette noirceur.
Parce qu’elle devient une forme de refuge. Parce qu’on la comprend.
Et parce que dans un monde qui va vite, qui exige des sourires et des réponses simples… l’ombre, au moins, ne demande rien.
Mais vouloir aller mieux n’est pas trahir cette ombre.
C’est reconnaître qu’elle a existé, qu’elle a eu sa place… mais qu’on mérite aussi autre chose.
Pas un bonheur forcé.
Un espace. Doux. Stable. Lent.
Des pistes lentes vers un mieux
Pas pour "aller bien" comme on colle un pansement, mais pour apprendre à être là, un peu plus apaisé.e, un peu plus soi.
Des pistes qui ne remplacent pas une aide professionnelle si tu en ressens le besoin — mais qui peuvent t’accompagner comme des petits gestes de réconciliation avec toi-même.
1. Écouter ton corps (et pas seulement tes pensées)
Le corps garde la mémoire de ce que l’ on a vécu.
Faire une pause. Respirer lentement.
Poser une main sur ta poitrine. Marcher pieds nus. Marcher en pleine nature.
Te reconnecter à ton corps, c’est déjà l’aider à sortir de l’hypervigilance.
2. Recréer des repères doux
Les traumatismes ou les douleurs prolongées créent une insécurité interne.
Crée des micro-rituels quotidiens : une tisane à la même heure, une bougie allumée le soir, un mantra murmuré dans ta tête.
Ce sont des ancres. Et les ancres rassurent le cerveau.
3. Compassion envers soi
Parle-toi comme tu parlerais à un enfant blessé ou à un.e ami.e en larmes.
Tu n’as pas besoin d’être toujours courageux.se. Tu as le droit d’être fatigué.e.
Et tu as surtout le droit de ne pas tout comprendre tout de suite.
4. Ralentir vraiment
Le cerveau hypersensible sature vite. Il a besoin de lenteur pour digérer ce qu’il ressent.
Ralentir ce n’est pas fuir : c’est s’accorder le luxe d’exister en dehors du vacarme.
5. Parler (ou écrire)
Écrire ce que l’ on ressent permet au cerveau de traiter les émotions différemment.
C’est prouvé en neurosciences : mettre des mots sur le flou apaise l’activité des centres de stress.
Et si écrire te semble trop, alors juste parler à quelqu’un qui t’écoute sans te juger peut déjà être un souffle.
Et si… une autre manière de vivre était possible ?
Ce que tu ressens, ce n’est pas une faiblesse.
C’est une invitation à ralentir. À ressentir autrement. À chercher du sens dans ce qui, parfois, paraît vide.
C’est ce que j’appelle, moi, une forme de slow living existentiel (la formation que je suis en train de mettre au point).
Pas une injonction à être zen.
Mais une permission de vivre pleinement — même dans le flou, même dans la lenteur, même dans les contradictions.
Apprendre à écouter ce qui se passe en soi, à accueillir ses tempêtes sans les fuir,
à faire la paix avec ce qui est.
Ce n’est pas toujours simple.
Mais c’est une voie douce, stable, honnête.
Et si tu lis ces mots, c’est peut-être que ton cœur a déjà commencé à marcher dessus.