
Murmures aux âmes écorchées - Les Gardiens oubliés
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Hypersensible dans un monde trop dur : et si c’était toi, la justesse ?
Je ne supporte plus le tissu de mon pull. Ce frottement invisible, imperceptible aux autres, me donne l’impression qu’on m’écorche. Mon bras, sans raison, est devenu zone interdite. Une caresse m’arrache un rictus, un regard trop long me traverse comme une lame fine.
On ne voit rien de l’extérieur.
Et pourtant, tout hurle à l’intérieur.
On a mis longtemps à comprendre. Peut-être même toute une vie.
Cette façon de tout ressentir plus fort. De vibrer — ou de vaciller — à l’intérieur, là où rien ne semble bouger pour les autres.
On pleure en écoutant de la musique, pas parce qu’elle est triste, mais parce qu’elle contient l’infini.
On fuit les ambiances bruyantes comme d’autres fuiraient un incendie.
On est troublé par un regard.
On capte, on absorbe, on encaisse... parfois jusqu’à l’épuisement.
Depuis l’enfance, on nous a dit qu’il fallait s’endurcir.
Qu’on était “trop” : trop émotif, trop fragile, trop à fleur de peau.
Qu’il fallait apprendre à se blinder.
Qu’il fallait mordre avant d’être mordu.
Mais certains d’entre nous ne savent pas blesser pour se protéger.
Ils choisissent d’aimer, même quand ça coûte, même sans retour.
Et ce choix-là, invisible, les fait souvent passer pour des inadaptés.
Et si ce n’était pas toi le problème ?
Et si la norme, ce monde pressé, bruyant, toujours sur la défensive, s’était juste habitué à ignorer les signaux ?
Et si les hypersensibles étaient ceux qui entendent encore les murmures que d'autres n'écoutent plus ?
L’hypersensibilité n’est pas une faiblesse. C’est une forme d’intelligence sensorielle et émotionnelle, une perception élargie du monde.
C’est sentir l’invisible, percevoir l’énergie d’une pièce, être traversé par les émotions des autres comme si elles étaient les nôtres.
C’est être touché au plus profond de nous-mêmes par une injustice, un silence trop long, ou la beauté d’un instant fugace.
C’est être un diapason, pas un bouclier.
Et si ton corps criait doucement ce que personne ne voit ?
Il arrive que la peau devienne douloureuse sans raison visible.
Une manche qui gratte comme du verre.
Une main posée sur l’épaule qui réveille une brûlure.
Une zone du corps — bras, nuque, dos — qui devient subitement intouchable, comme si elle disait : “Stop, c’est trop, je n’en supporterai pas davantage.”
Tu n’inventes rien. Ce n’est pas dans ta tête.
C’est une manifestation discrète, mais réelle, de l’hypersensibilité. Le corps devient le théâtre d’une surcharge que les mots n’arrivent pas toujours à exprimer.
Ce n’est pas une maladie, c’est une intensité.
Une forme d’écoute extrême, jusque dans la chair.
Un langage silencieux, souvent incompris, mais profondément vrai.
Si tu vis cela, sache que tu n’es pas seul.e.
Tu n’es pas étrange.
Tu es juste plus perméable au monde, plus finement accordé.
Et ce n’est pas une faiblesse.
C’est une langue secrète et oubliée que ton corps sait parler.
Et il est peut-être temps de l’écouter sans le juger.
Quand le corps trahit l’âme
Il y a aussi ces moments discrets, presque insignifiants pour le monde extérieur, mais qui, à l’intérieur, prennent des proportions immenses.
Quand le corps devient traître, messager d’un trouble que l’on aurait préféré cacher...
Et pour beaucoup d’hypersensibles, ce signal prend une teinte bien connue : celle du rouge aux joues.
Rougir. S’empourprer.
Ces mots si doux, presque romantiques.
Mais dans notre chair, pour qui le sait, il peut être une torture.
Parce qu’il ne prévient pas. Il s’invite. Il explose.
Devant un regard, une remarque, un mot de travers, un sourire parfois.
Devant une émotion qui monte, un moment où l’on aurait voulu rester neutre, contenir, rester “adulte” et “maîtrisé”.
Mais voilà : la peau s’enflamme, le cœur s’accélère, la gêne s’installe.
On sait que c’est visible.
On SAIT qu’ils l’ont vu.
Et dans ce laps de temps, court mais terrible, on se sent démasqué.e, vulnérable, comme un enfant pris en faute.
Nous sommes mis à nu, désarmé.e.
On n’a encore rien dit, mais on est déjà jugé.e.
Il ne s’agit pas de timidité.
Il s’agit de cette intensité intérieure qui déborde par la peau.
D’un système nerveux qui réagit au quart de tour.
D’un trop-plein de sensibilité, d’émotion, ou parfois même de fatigue, que le corps exprime sans notre accord.
Et ce rouge-là, cette flamme sur les joues, vient souvent anéantir une crédibilité qu’on essaie de construire.
On se sent faible. On se sent “trop”. Encore.
Et ce jugement que l’on craint chez les autres, on finit souvent par se l’infliger à soi-même.
Mais si l’on regarde autrement…
Rougir, c’est aussi être encore vivant dans un monde figé.
C’est avoir une peau qui parle, un cœur qui bat fort, un être entier qui ne sait pas tricher.
Et peut-être que cela mérite moins notre honte que notre tendresse.
Les gardiens oubliés
Je crois que les hypersensibles sont les gardiens d’un monde oublié.
Des êtres ouverts au sacré.
Des âmes anciennes, incarnées dans des corps d’aujourd’hui, qui n’ont jamais appris à tricher avec leurs émotions.
Ils sentent quand quelqu’un va mal, même quand tout semble aller.
Ils savent où poser leurs mots, et quand il faut juste se taire.
Ils portent, parfois malgré eux, la douleur des autres comme un manteau invisible.
Mais ils savent aussi voir la lumière là où personne ne regarde.
Ils ressentent l’amour comme une vibration totale.
Et ils peuvent, dans un murmure, réparer ce que des années avaient abîmé.
Un chemin de lenteur et de vérité
Tu n’es pas venu.e ici pour devenir plus dur.e.
Tu es venu.e pour rappeler la justesse, pour montrer que la douceur n’est pas un luxe, mais une nécessité.
Le slow living, pour nous, ce n’est pas une tendance. C’est une urgence existentielle.
Un refus d’être arraché à soi-même par un monde trop rapide.
C’est un art de rester vivant, sensible, entier, dans un monde qui anesthésie.
Alors ralentis. Reviens au souffle. Au silence. À la caresse douce du vent sur ta joue.
Fais de ton hypersensibilité un sanctuaire, pas une prison.
À toi qui lis ces lignes…
Tu n’es pas un fardeau.
Tu es un phare.
Tu es peut-être celui ou celle qui ressent pour ceux qui ne peuvent plus.
Tu n’as pas à devenir insensible pour survivre.
Tu peux choisir de vivre pleinement, autrement.
Et ce monde a besoin de toi. De ta justesse. De ta vérité nue.
Tu n’es pas trop.
Tu es juste assez pour réveiller ce qui dort, ceux qui dorment.
Être hypersensible, c’est peut-être être encore vivant dans un monde figé.
C’est ne pas avoir cédé à la tentation de l’armure.
C’est être resté un peu sauvage, un peu libre.
Et dans cette fragilité-là, il y a peut-être la force la plus pure :
celle de ceux qui n’ont jamais cessé de sentir.
Pour toi qui ressens encore.
— Vicky
2 commentaires
Chère Sandrine,
Merci infiniment pour ce message si touchant.
Je suis profondément émue que ce texte ait résonné avec ton histoire et celle de ta fille. Il est si précieux de pouvoir mettre des mots sur ce que l’on ressent, et encore plus de pouvoir s’y reconnaître à travers les réactions de ceux qu’on aime.
Merci à Cassandra aussi, pour avoir été ce miroir sensible.
L’hypersensibilité est une richesse, même si elle est parfois lourde à porter. Et c’est en partageant nos expériences comme tu le fais que cette richesse peut enfin être reconnue et honorée.
Avec toute ma tendresse.
— Vicky
Ce texte sur l’hypersensibilite est tellement bien écrit. Merci Vicky pour cela.
Jusqu’à ce que je devienne maman, je ne connaissais pas le terme Hypersensible. C’est grâce à Cassandra. C’est au travers de ses réactions, que je me suis interrogée car il y avait des similitudes avec les miennes. Merci d’avoir posé ces mots sur ce qu’est l’hypersensibilite et notre particularité